LE MONDE | 28.07.07 | 14h27 • Mis à jour le 29.07.07 | 11h36
TOKYO CORRESPONDANT

AP/David Guttenfelder
Le premier ministre Shinzo Abe au dernier jour de la campagne électorale en vue des sénatoriales au japon, le 28 juillet 2007.
Dans la rue, le candidat juché sur le toit de son minibus agite ses mains dans un geste amical, haranguant au porte-voix des badauds indifférents. Il répète son nom et demande, cassé en deux, les suffrages des habitants du quartier populaire de Kita, au nord de Tokyo. A l'intérieur du bureau des assurances sociales, un salarié a d'autres soucis. Il n'a même pas fait attention à quel parti appartenait le candidat, dit-il.
Ce qui le préoccupe, c'est le versement de sa retraite. Il n'est pas le seul : 50 millions de Japonais sont dans le même cas. Cafouillage informatique, négligence, détournement ? Quelle que soit la cause, les dossiers ont été mal gérés ou perdus et les cotisations égarées. Une confusion qui compromet le versement des allocations.
Préoccupés par le vieillissement rapide de la population, les deux tiers des électeurs pensent que la question des retraites est la plus importante des élections du 29 juillet dans lesquelles sont en jeu la moitié des 242 sièges de la Chambre haute. Le fiasco de la gestion des assurances sociales conjugué à l'impopularité du premier ministre Shinzo Abe a affaibli le Parti libéral-démocrate (PLD), au pouvoir, qui risque d'essuyer une sévère défaite.
Les sondages sont unanimes à donner perdante la coalition gouvernementale formée du PLD, majoritaire, et du parti centriste Nouveau Komei. En prévision de cette défaite, l'entourage de M. Abe a d'ores et déjà annoncé que "cette élection n'a rien à voir avec la désignation du chef du gouvernement" et que celui-ci ne démissionnera pas quelle que soit l'issue du scrutin.
Le PLD dispose, certes, d'une majorité confortable à la Chambre basse et il n'y a pas de successeur avec une assise assez solide au sein de la majorité pour remplacer M. Abe. Enfin, ce dernier semble déterminé à rester au pouvoir. Une défaite trop marquée n'en serait pas moins un désaveu cuisant, rendant plus difficile au PLD de faire passer les lois au Sénat.
En dix mois, le premier ministre (52 ans) a vu son taux de popularité dégringoler à moins de 30 % : une suite de faux pas et de scandales impliquant des membres de son cabinet a donné l'impression de confusion et d'indécision. Et les sénatoriales, dramatisées par les médias, ont pris un tour de vote de confiance. M. Abe a, en outre, mis en avant des thèmes (réforme constitutionnelle, enseignement du patriotisme à l'école), chers à la droite, mais qui achoppent sur les attentes de la majorité des électeurs, plus préoccupée par les problèmes quotidiens et des disparités sociales grandissantes. Si les plus âgés s'inquiètent de leur retraite, les jeunes sont insatisfaits de l'évolution du marché du travail. Près de 3 millions, âgés de 18 à 35 ans, sont rejetés dans une précarité permanente en dépit de la reprise économique.
Le côté "désuet" des campagnes électorales à la japonaise avec leur surenchère de décibels de la part de candidats au discours axé sur la proximité plus que sur un programme ne retient guère l'attention de la jeune génération. D'autant moins que la campagne "online" n'est pas autorisée. Résistance des "routiers" de la politique qui ont peur d'être encore plus l'objet de révélations sur leur conduite ? Les demandes répétées de l'opposition de permettre des campagnes sur Internet ont toujours été rejetées.
Les libéraux-démocrates traversent une mauvaise passe : ils régressent même en campagne, autrefois leur "fief". Vieillissantes, les zones rurales se sentent délaissées par le parti conservateur. Quant à l'électorat flottant des villes, indécis, il semble basculer du côté de l'opposition, - sans enthousiasme, car le chef du Parti démocrate, Ichiro Ozawa, vétéran de la politique, n'est pas plus populaire que Shinzo Abe.
Philippe Pons
Article paru dans l'édition du 29.07.07.
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