LE MONDE | 30.07.07 | 15h15 • Mis à jour le 30.07.07 | 15h15
TOKYO CORRESPONDANT

Au siège du Parti libéral-démocrate, dimanche à Tokyo, le premier ministre Shinzo Abe suit l'annonce des résultats donnant la défaite de son parti aux élections sénatoriales. C'était son baptême du feu électoral depuis son accession au pouvoir.
Le premier ministre, Shinzo Abe, a eu beau annoncer ne pas avoir l'intention de démissionner en dépit de la défaite cuisante de son parti aux élections sénatoriales du dimanche 29 juillet, une période de turbulences politiques s'ouvre pour le Japon. "Recomposition politique ou désordre ?", s'interroge le quotidien des milieux d'affaires Nihon Keizai.
Attendue, la défaite du Parti libéral-démocrate (PLD) est sévère : "La pire essuyée par le parti conservateur depuis sa création en 1955", estime le politologue Gerry Curtis, de Columbia University. Sur les 121 sièges en lice pour le renouvellement de la moitié du Sénat, le PLD n'en a obtenu que 37 (sur les 64 qu'il détenait avant le scrutin). Son allié dans la coalition gouvernementale, le Nouveau Komei, n'obtient, lui, que 9 élus (sur 12 précédemment).
En revanche, le Parti démocrate du Japon (PDJ), première formation d'opposition, a remporté 60 sièges, plus qu'il n'avait espéré. Avec au total 109 sièges, il s'affirme comme le premier parti à la Chambre haute pour les trois prochaines années.
C'est la première fois que le PLD perd le contrôle d'une instance qualifiée au Japon de "chambre du bon sens", en raison de son approche plus posée et moins sensible aux mouvements d'opinion que la Chambre basse. Non seulement le PLD ne domine plus la Chambre haute, mais il va en perdre la présidence, ouvrant la voie à de sérieuses perturbations dans le processus législatif.
M. Abe sort affaibli d'une élection qui était aussi son baptême du feu électoral depuis son accession au pouvoir il y a dix mois. Il assume "avec humilité la responsabilité de cette défaite", a-t-il déclaré, mais estime que c'est aussi "sa responsabilité de poursuivre la reconstruction du pays qui vient de commencer". Pour tenir compte de ce vote sanction, M. Abe devrait procéder rapidement à un remaniement ministériel. Il est peu probable que l'opposition démocrate s'en contente, en faisant valoir que le premier ministre ne respecte pas la volonté populaire qui l'a désavoué. M. Abe a écarté l'hypothèse d'une dissolution de la Chambre basse.
En dépit de précédents - le retrait du premier ministre Ryutaro Hashimoto en 1998 -, la défaite du PLD à des élections sénatoriales ne conduit pas automatiquement à la démission du premier ministre. Le parti gouvernemental détient une écrasante majorité à la Chambre basse. En outre, il n'a pas de remplaçant pour succéder à M. Abe. Avant même le verdict des électeurs, la direction du PLD estimait que son remplacement accentuerait la confusion. Elle cherche aujourd'hui à justifier son maintien au pouvoir en faisant valoir que le vote négatif des électeurs a été motivé par des problèmes tels que le fiasco de la gestion des retraites dont il n'est pas responsable.
Avec le parti gouvernemental a été sanctionné son allié centriste, le Nouveau Komei. Un recul d'autant plus surprenant dans son cas que cette formation est soutenue par la puissante secte bouddhique Soka Gakkai qui lui assure un électorat captif. Cette fois, elle semble avoir été moins fidèle que dans le passé.
Cette double défaite est révélatrice. Le vote du 29 juillet fait figure de "coup de semonce". Il attire l'attention sur les inquiétudes d'une société prospère en surface, dont la machine productive est repartie mais qui, en profondeur, souffre de disparités régionales et d'inégalités croissantes. Brandissant l'étendard des réformes, le prédécesseur de M. Abe, le populiste Junichiro Koizumi, avait fait espérer certaines améliorations. Le "soufflé Koizumi" est retombé et M. Abe, loin de sembler s'attaquer aux maux - hérités ou non de la politique réformiste de son prédécesseur - a paru avoir d'autres priorités, comme la renaissance de l'identité nationale et la révision constitutionnelle. Les électeurs viennent de lui rappeler leurs propres priorités.
Philippe Pons
Article paru dans l'édition du 31.07.07.
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